L’INSUP formation transmet « L’Art d’Agir » à des jeunes de la Rive droite

Elles et ils ont des diplômes mais pas de travail ou ont quitté le système scolaire trop tôt, se retrouvent sans qualification, etc. Une action s’imposait, capable de les remobiliser, de les raccrocher, de leur redonner du pouvoir d’agir sur leur destinée.

C’est tout le sens de L’Art d’Agir qui conduit 15 jeunes à exprimer en toute liberté, leur vérité d’être, leurs aptitudes, leurs aspirations. En associant étroitement enjeux artistiques et enjeux d’insertion professionnelle.

Le chemin se fait par étapes. Il débute en octobre à chaque session de formation. Il culmine au mois de mai suivant, par une publication imprimée épatante et, nouveauté en 2019, par un petit film vidéo créatif de 3mn. Car l’Art d’Agir ne cesse de se réinventer. Il reste cette parenthèse  privilégiée pour que ces jeunes puissent faire le point sur eux-mêmes, se remettent en mouvement dans une dynamique positive. Les œuvres créées par les jeunes sont en phase avec ce qu’ils sont. Toutes, tous ont connu des difficultés dans leur vie, un passage à vide.

 Christophe Clerc-Pape, formateur : «  Travailler sur le vivre ensemble et l’échange, c’est essentiel. Ces jeunes ont été déscolarisés parfois un peu tôt, ou n’ont pas trouvé d’apprentissage ou de formation correspondant à leurs attentes, bref, ils se sont recroquevillés, sont esseulés. L’art d’agir leur permet de reprendre pied, avec une vie sociale un peu normale, retrouver un rythme de vie, avec des horaires à respecter, et rencontrer des jeunes de leur âge (et pas que de Cenon). De prendre la formation de manière détendue pour ce qu’elle est : un moment d’expression pour faire le point sur soi, se remettre en mouvement dans une optique positive. »

L’Art d’agir incite à travailler l’image de soi, le savoir-être, la communication personnelle et en groupe, la maîtrise du langage verbal et écrit… tant de choses à parfaire sans lesquelles l’insertion sociale et professionnelle deviennent aléatoires.

Christophe Clerc-Pape : Nous sommes surpris de la force qu’ils/elles mettent dans leurs oeuvres…

En s’exprimant en liberté à travers les arts graphiques et visuels, les jeunes produisent des oeuvres très originales : « La nouveauté cette année, c’est qu’en plus ils participent à un concours vidéo national je filme ma formation. Ils doivent réaliser un reportage de 3mn emblématique de leur formationTourner des images, des portraits, des témoignages autour de leur projet professionnel ou artistique. C’est l’occasion pour eux de prendre la parole sur cette formation, sans tabou, ni censure sur ce qu’ils vivent et pensent de la société. »

Eux/elles ? Des jeunes de Cenon, Lormont, Floirac mais pas que. D’autres voix s’agrègent aux leurs, celles d’autres jeunes d’Ambarès, de Bassens, de Sainte-Eulalie, d’Ambès. Car l’échange est favorisé dans cette formation.

Les jeunes, vos réactions à l’Art d’Agir ?

 Le dessin, le théâtre, l’écriture, ce n’était pas leur truc. La photo, la vidéo alors ? Bof, et le travail en groupe ? Ça non! À lire le récit de leur expérience dans cette formation, à voir leurs réalisations graphiques, leurs écrits, l’on comprend le coup de fouet que cela leur a donné, cette impulsion nécessaire pour envisager leur avenir de manière plus sereine.

Le soutien des formateurs, ça aide pour retrouver la confiance !

Imène a fait la formation, il y a 3 ans, mais elle revient souvent rencontrer ses anciens formateurs et discuter avec les nouveaux venus : « J’avais commencé un BAFA que je n’ai pas fini, je ne savais pas quoi faire. Au début ici, je me disais, c’est quoi cette histoire, c’est pour faire du coloriage ? Je ne suis tout de même pas une gamine ! Je connaissais à peine 2 personnes, puis, peu à peu, j’en ai connu 3, 4, 5, etc. Ce n’est pas qu’une formation ici, c’est une opportunité pour tousOn arrive ici sans rien ; on en ressort avec plein de choses.Même si on doit faire du dessin, du théâtre, au final, tout le monde se dit, le dessin, ça libère. Si on a quelque chose en nous, on le ressort à travers le dessin, ça nous canalise. Je suis arrivée très énervée, j’en suis ressortie détendue. C’est l’expression de soi, la confiance en soi, et quand il y a une bonne entente, une bonne équipe, c’est bien. Les formateurs nous aident, nous guident ; ils sont là pour nous. Au final, je suis ressortie avec mon projet. Je ne l’avais pas avant. S’est construite aussi la confiance en moi-même. C’était le plus dur et au fond mon plus grand projet…

 

Le travail en équipe, on n’aime pas toujours. Chacun arrive d’un milieu différent ;  on a du mal à faire que nos idées soient acceptées par tout le monde. J’ai vraiment kiffé, le livre collectif aussi !  Ici, c’est vraiment beaucoup d’émotion. Il y a de la colère, de la joie, on pleure, on rit, mais au final, ça nous relâche et nous fait du bien. Moi, je n’avais pas pu vraiment exprimer ma douleur, même en le disant avec des mots. Le fait de l’avoir dessinée m’a bouleversé et depuis ça va mieux, j’arrive à en parler normalement. »

 Briser sa carapace, puis tourner enfin la page

Mathilde : «  Je viens d’arriver dans la formation. J’ai déjà un petit projet professionnel mais je ne sais pas si je vais le réaliser totalement. Mon mode de vie est différent. J’ai été SDF à un moment. J’aimerais faire du maraîchage… J’aime le côté artistique, le dessin. C’est l’écriture qui m’est plus difficile, je suis quelqu’un qui ne se dévoile pas, avec un fort caractère, une grosse carapace. Hier, j’ai franchi un cap, j’ai enfin écrit un texte et réussi un peu à me dévoiler. La photo, j’aime vraiment. Surtout quand elle dévoile la réalité des choses. J’attends d’avoir de la confiance en moi et de pouvoir m’insérer dans la société actuelle, car j’ai été bien reniée, on va dire, marginalisée. C’est ma façon à moi de me remettre progressivement dans le bain. »

S’adapter, gagner en maturité

Fidel vient d’arriver d’Égypte avec un bac littéraire arabe en poche. Il parle déjà fort bien le français mais entend raffermir son niveau dans notre langue, dans le cadre de cette formation, pour mieux s’adapter à son nouvel environnement. Il aime le travail en groupe. C’est la mission locale rive droite qui lui a permis de rencontrer Christophe Clerc-Pape, son formateur INSUP. Lui a déjà un projet professionnel bien défini : «  Je veux retourner à l’université ou devenir développeur en informatique. L’INSUP va m’aider à trouver des entreprises, les bonnes formations pour que je puisse entamer mes projets. J’ai déjà commencé à explorer le domaine de la programmation d’applications mobiles pour Androïd, ça m’a beaucoup plu. J’ai choisi cette filière là. Je souhaite être développeur informaticien. Ici, c’est faire ce que nous-mêmes nous voulons, pour avancer dans la vie sans le regretter, faire ce que l’on aime, pas parce qu’on n’a pas le choix. J’ai fait une peinture, c’était la 1ère fois, j’ai aimé la faire. Avoir plus confiance en nous, nous adapter, changer, devenir plus matures.  »

 Des histoires de vie complexes

Christophe Clerc-Pape : « C’est une formation pour leur faire prendre conscience qu’ils doivent prendre la parole, exprimer leur vision de la société, du monde et des autres, dans un cadre défini, mais en toute liberté d’expression. Notre rôle est de les accompagner au mieux pour susciter chez eux, cette envie. Ce sont souvent des histoires de vie qu’ils nous transmettent, parfois difficiles, souvent complexes, de par leur vécu familial, le contexte social. Les faire s’exprimer sans censure sur leur vie, leur permet de pouvoir enfin passer à autre chose. Souvent, on est surpris de la force qu’ils arrivent à mettre dans les œuvres créées. »

« Le livre » sort en mai 2019. Leurs œuvres se mélangent aussi à celles d’autres jeunes d’Ambarès, de Bassens, de Sainte-Eulalie, d’Ambès, pris dans un dispositif similaire. Cela dépasse le seul périmètre de Cenon, Floirac, Lormont. Ceci, pour provoquer des rencontres, favoriser brassage et échanges sur 2 territoires différents.

L’INSUP Rive Droite : Maison des Associations, 11 Rue du 8 Mai 1945, 33150 Cenon 05 57 80 07 49  https://insup.org/