Comme tout château cenonnais, le passé du Loret se confond avec l’histoire du vin. Pourtant, l’origine de son nom viendrait d’un de ses propriétaires : le parlementaire bordelais Seigneur Jean-Paul de Loret.
Fin XVIIIe, ce « bien de campagne » devient propriété du négociant bordelais Guillaume Nonlabade. Un siècle plus tard, en 1874, elle est acquise par Edmond Sursol, neveu de Frédéric Sursol maire de Cenon. Il y emménagea une laiterie moderne, et tirait 82 tonneaux de vin blanc et rouge des 12 hectares de vignes. L’appellation « Château Loret » perdura jusqu’en 1941 !
Sante Garibaldi, héros de la Résistance
La chartreuse est ensuite acquise par l’entrepreneur en bâtiment Sante Garibaldi, petit-fils du Général, homme politique, héros de l'indépendance des peuples et de l’unification italienne, Guiseppe Garibaldi. L’achat s’effectue en 1938, année de l’inauguration du stade Lescure à la construction duquel il a participé (ainsi qu’à celle de la piscine Judaïque).
Sante avait fuit le fascisme de Mussolini. En France, il rejoint la Résistance. Passé en zone libre après la réquisition de son entreprise, il est arrêté par les Allemands en 1943, emprisonné au fort du Hâ, puis déporté à Buchenwald et à Dachau, avant d’être libéré le 24 avril 1945. Il décède d’épuisement le 4 juillet 1946 à Bordeaux Caudéran.
(sources : « A la découverte de Cenon » de Gilbert Perrez et memoirequartier.canalblog.com)
Puis Le Loret devint propriété de la ville de Bordeaux…
En 1949, l’industriel Ferdinand Jauffrineau et son épouse Clotilde Fonteneau mettent le domaine en vente, pour 15 millions d’anciens francs (soit 23 000 euros). René Cassagne, maire fraîchement élu, y voit l’opportunité de faire de ces 60 hectares de verdure, un lieu destiné à l’épanouissement des enfants de la rive droite. Hélas, les finances de la ville n’autorisent pas un tel investissement ; la collectivité devant entreprendre un vaste programme de modernisation de la voirie et des réseaux d’assainissement et de distribution d’eau.
Pour éviter le morcèlement de la propriété, émerge l’idée de partager le coût via un syndicat de communes liant Cenon, Bordeaux, Lormont et Bassens. Le montage tarde. La ville de Bordeaux disposant de fonds suffisants, son maire, Jacques Chaban-Delmas, engage seul les pourparlers avec les propriétaires. L’affaire est faite. Propriété de Bordeaux, un centre aéré ouvre ses portes le 17 juillet 1950. 500 enfants s’y rendent les jeudis et durant les périodes de vacances !
Le temps des écoles
En 1952, Bordeaux ouvre une « école de plein air ». « Dans ce mouvement européen, des pédagogues novateurs rejoignent les médecins pour concevoir une institution qui associe une pédagogie particulière, des soins spécifiques et une alimentation rationnelle. » (tiré de « L'école de plein air » - Editions Recherches). Quatre classes sont aménagées dans la cour de la chartreuse, pour accueillir les enfants souffrant de troubles respiratoires.
En 1954, le lotissement Plaisance et ses 134 maisons sont en phase d’achèvement. De nouvelles familles et leurs enfants emménagent. René Cassagne sollicite alors Jacques Chaban-Delmas afin que deux classes provisoires occupent une partie du centré aéré.
Le Loret redevient progressivement cenonnais
En 1975, Cenon émet le souhait de posséder son propre centre aéré. La ville de Bordeaux consent à lui céder par bail emphytéotique une parcelle de 2 hectares dans le prolongement de l’avenue Pierre Loti. En contrepartie, Cenon s’engage à assurer l’aménagement et l’entretien des installations datant des années 50. Dédié à l’accueil des 6-12 ans, la gestion du centre de loisirs Triboulet est confiée au Comité de coordination des patronages laïques.
Fin des années 90 : le centre aéré et l’école de plein air fermant définitivement, la ville de Cenon, pleinement consciente de la qualité environnementale du domaine, aspire à le faire entrer dans son patrimoine communal. L’acquisition du site est progressive : la parcelle Triboulet, puis la chartreuse, en mars et juillet 2000, le centré aéré et ses bâtiments annexes en 2004, les terrains de sport attenants en 2016.
Le lieu de toutes les cultures
L’ex centre de loisirs est mis à disposition d’associations culturelles. La radio des Hauts de Garonne, O2 Radio s’y installe en 2006. Dans le local voisin, l’association L’autre Rive rédige le magazine mensuel l’Echo des Collines.
Privé de l’ancienne salle Simone Signoret, le théâtre Alizé trouve au Loret un nouveau refuge d’expression. Le 30 septembre 2017 ouvre l’Oscillo Théâtroscope, un théâtre de poche de 49 places unique en son genre.
Les grandes prairies du domaine sont propices aux manifestations. Chaque année le Marché portugais d’artisanat d’art et de gastronomie, co-organisé par la ville et l’association de danse traditionnelle Alegria portugaise de la Gironde, présente une cinquantaine d’exposants venant expressément d’une vingtaine de villes du Portugal !
La chartreuse, star de ciné !
Entre 2001 et 2007 la chartreuse du Loret a abrité tournages et école de cinéma. En juillet 2001, l’équipe technique du film « A la folie… pas du tout » y établissait ses bureaux. Tourné en Gironde, ce premier film de la réalisatrice – écrivaine bordelaise Laetitia Colombani, réunissait Audrey Tautou, Samuel Le Bihan et Isabelle Carré ! Une première incursion dans l’univers du 7ème art, qui s’enchaîne avec le tournage de la série internationale « Urban Myth Chillers ».
Sur les 25 courts métrages que compte la série, 13 sont mis en boîte à Cenon et à Bordeaux. Dans la chartreuse en ébullition, tous les corps de métiers sont représentés : plateau de tournage, bureaux de production, atelier de création et de décors, salle de maquillage, etc. La régisseuse plateau déclarait dans le journal municipal d’avril 2002 (Le Flash) : « C’est un lieu vraiment intéressant, un bel endroit, pratique, accessible, spacieux, un espace entièrement malléable et modulable. »
En France, « Urban Myth Chillers » fut diffusé à l’automne 2002 sur la chaine 13ème rue, ainsi qu’en Allemagne, Espagne, Amérique Latine…
Plus tôt dans l’année, Profession Spectacle y avait déjà établi son activité. Née de la volonté des syndicats représentatifs des salariés du spectacle, l’association y a proposé durant six ans, stages et formations continues aux métiers techniques et administratifs, avec le soutien du Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle et de l’ANPE Spectacle. La convention de mise à disposition du château par la ville s’est achevée en 2007 ; l’état du bâtiment ne permettant plus d’accueillir du public en toute sécurité.
Football, baignade et bien-être !
Aujourd’hui, le domaine du Loret est consacré aux pratiques sportives et de loisirs. Le complexe footballistique a ouvert en septembre 2022, et le District de la Gironde de Football en avril 2023. Quant à la chartreuse, elle sert d’emprise au complexe aqualudique Elodie Lorandi, qui fera son ouverture le 5 juillet prochain.
Le parc reste ouvert à la balade, au jogging ou à la contemplation, grâce à sa partie boisée protégée, peuplée d’arbres remarquables : des zelkovas, cèdres de l’Atlas, chênes rouges et pédonculés ou encore l’emblématique sequoïa géant, auprès desquels il fait bon se ressourcer...