Il a beau faire un froid polaire ce jeudi, ma curiosité m'a néanmoins poussée vers la rue du 8 mai 45. On m'a parlé de forage dirigé, de chantier peu commun et même d'exploit technique, il ne m'en fallait pas plus pour avoir envie de voir, de comprendre et de partager.
Joël Bettini, interlocuteur ERDF auprès des collectivités me résume en quelques mots l'objet de la manœuvre. "
On augmente la tension électrique du secteur en remplaçant les câbles existants de 15000 volts par des câbles de 20000 volts". Waouh, je me dis qu'on va voir drôlement plus clair. Non, bien sûr, nous, consommateurs d'énergie on ne va rien voir concrètement. Par contre on sera rassurés par l'idée que nos besoins électriques toujours croissants sont bien anticipés... Et que comble de bonheur,
ces travaux ambitieux (1 million d'euros d'investissement) se font sans interrompre ni la circulation automobile, ni le réseau du tramway.
Les travaux suscitent la curiosité
Pas d'interruption dans nos habitudes de circulation donc, car la particularité technique du chantier, c'est de faire passer ces câbles en sous sol, sans éventrer la voirie. Réunions publiques en décembre, partenariat serré des entreprises avec les services techniques de la ville et de Bordeaux métropole, le chantier annoncé est né sous de bons auspices. La conséquence bienvenue et inattendue, c'est la curiosité bienveillante des riverains. Vincent Labeyrie, chargé d'affaire EDRF sur la métropole s'amuse : "
quand nous sommes arrivés au niveau de l'école Van Gogh, les parents sont venus poser des questions. Et ce qui était étonnant c'est que certains arrivaient avant la sortie des classes pour s'informer de l'avancée du chantier, et obtenir des précisions sur les techniques employées".
Un chantier sans tranchée
C. Savignac, le sondeur La sonde-détecteur Daniel Guillemet, le foreur
Au total, ce sont près de 5 kilomètres de câbles qui sont déployés sous terre depuis Beausite (siège du "poste source", le réservoir d'énergie en quelques sortes) jusqu'à Floirac Dravemont. Le préalable, c'est une connaissance fine du sous sol : caractéristiques du sol, nombre et emplacements des réseaux existants... Ces plans récupérés par ERDF auprès des fournisseurs (gaz, téléphone, eau..) sont en outre doublés par le travail du tandem sondeur-foreur de la société Montastier. D'un côté le sondeur ((BE SITEC), équipé d'un appareil relié au satellite (dit matériel de "report de cartographie"), de l'autre le foreur dans son engin doté d'une tête de forage avec émetteur et d'un écran. Tous deux sont en liaison radio et vérifient en instantané le tracé sous terrain : l'un guide et corrige si besoin en fonction des données gps de sa sonde détecteur, le second adapte la direction et l'orientation du méga foret qui perce le sol. Le report cartographique est réalisé de façon simultanée (BE SITEC) et avec une précision de l’ordre du centimètre, ce qui garantit la sécurité de l’ouvrage posé et de l’environnement.
Le forage en 3 étapes :
Les 5 kilomètres ne se font pas d'une traite et nécessitent des points de jonction. Les techniciens procèdent pour commencer par un tir pilote, un peu comme un essai. Ils testent le trajet -réalisé par la tête de forage équipée d'un émetteur- qui relie le point A au point B, distant d'environ 160 mètres. Si le "tir" est réussi,
la "tête d'alésage" entre en piste (ou plutôt sous la piste, hein)
pour agrandir le trou, c'est la deuxième étape. "
Dans le même temps, m'explique Christophe Montastier de l'entreprise idoine,
nous envoyons sous haute pression une solution de bentonite (mélange d'eau et d'argile), pour évacuer les « cuttings »(déblais de forage)
et consolider les parois du tunnel. Et pendant l'opération nous sortons par aspiration les déblais, environ dix fois moins importants que lors d'un chantier traditionnel". Une fois le point B atteint et la galerie percée au diamètre prévue,
le fourreau est glissé dans les entrailles de la rue -ici parfois jusqu'à plus de 6 mètres de profondeur pour assurer les précautions de sécurité réglementaire-, et accueillir les futurs réseaux . Les câbles électriques sont enfin glissés par tractage au départ du point B et récupérés à la sortie du point A.
Les travaux, menés par des entreprises locales (Inéo, Montastier, Veritas, Sitec) se terminent sur la rue du 8 mai 1945. Les équipes vont refermer les points de jonction, et poursuivre le forage dirigé sur le dernier tronçon, entre Clémenceau par la rue Martin du Gard et l'avenue Hubert Dubedout.
Décembre à mars, ça fait 4 mois pour changer 5 kilomètres de réseaux électrique en milieu urbain, sans qu'on s'en aperçoive, joli prouesse messieurs!