"Carapaces", du nom de l'exposition installée jusqu'au 22 mai 2013 au château Palmer, invite le public à voir et écouter la restitution en vidéo d'ateliers philosophiques menés auprès d'enfants. Ce matériau qu'Ingrid Bertol et le Maïeutique théâtre ont collecté depuis 2011, nous livre quelques clés de compréhension sur la question du genre (masculin / féminin), et les mécanismes comportementaux qui en découlent.
Après l'accueil en 2012, au Rocher de Palmer, de "Blessures de femmes", série de portraits et témoignages de Catherine Cabrol, l'APAFED (association pour l'accueil des femmes en difficulté) poursuit avec Carapaces, son travail de sensibilisation contre le sexisme et les violences faites aux femmes.
Le genre, pas qu'une question grammaticale "Le travail sur la question du genre (masculin / féminin) que mène Ingrid Bertol, professeur de philosophie et metteur en scène, est en parfaite adéquation avec notre volonté de susciter questionnement et débat sur le rapport hommes femmes, sur les comportements inhérents à notre identité sexuelle", note Jean-Louis Roux-Salembien directeur de l'APAFED. Sensibiliser et faire prendre conscience dès le plus jeune âge des conduites et des rôles que la société induit, contribuent ainsi à démonter les ressorts d'une spirale pouvant mener au pire. Je dis, donc je pense ? "Carapaces" nous livre la parole à nue d'enfants en situation d'atelier philosophique dont le leitmotiv est de questionner la "construction du genre" : montrer comment comportements, attitudes, et propos sont conditionnés selon que l'on est un garçon ou une fille. "Je n'arrive pas avec un discours moralisateur, mais travaille à faire prendre conscience à chacun de ce qu'il dit, à développer une logique de raisonnement. En pratique, je commence les ateliers par la projection d'une vidéo où des enfants d'une dizaine d'année échangent sur leur perception de l'homme et de la femme, sur leurs rôles respectifs dans un couple", explique Ingrid Bertol. Ce point de départ alimente les échanges des enfants installés sur des chaises disposées en cercle, face à une caméra discrètement présente. Un processus salutaire pour susciter une prise de distance face à des logiques plus automatiques que réfléchies. [caption id="attachment_1648" align="aligncenter" width="450"] Installation vidéo d'Ingrid Bertol"Les garçons sont plus forts, ils ont donc plus de droits" Les joutes verbales se jouent sur le mode de la conversation même si la parole est dirigée. "Qu'est ce qui est le plus important entre la voix et le comportement ?", demande I. Bertol. "Si on enlève la voix on peut continuer à parler." Une réponse aussi enfantine qu'éloquente pour formaliser le lien entre parole et attitude. La question du genre, à la base des ateliers philo induit aussi et naturellement la question de l'amour. "Et quelle différence entre l'amour et l'amitié? " Gêne, embarras et difficulté à mettre en mots une opinion, sont souvent la réaction à cette question. "L'amour, une question capitale, selon Jean-Louis Roux-Salembien. Car les femmes écoutées, soutenues ou accueillies au foyer de l'APAFED parlent presque toutes d’une histoire d'amour au départ, qui se termine mal". Qu'ils soient élèves de Mérignac, du Grand parc, de l'école Jules Michelet à Cenon, des constantes s'imposent :"Les stéréotypes sont ancrés tôt dans les raisonnements. Et les carcans et les rôles reviennent très vite dans les discours : les garçons sont plus forts, ils ont donc plus de droit", précise Ingrid. " L'usage de la force pour imposer la violence, une pratique récurrente que subissent les femmes que nous hébergeons à l'APAFED", relève son directeur. [caption id="attachment_1640" align="aligncenter" width="448"] Installation vidéo d'Ingrid Bertol au Château Palmer
S'appuyer sur un dispositif artistique pour pratiquer la maïeutique, procédé qui aide à formaliser sa pensée, c'est la finalité du travail d'Ingrid Bertol. "J'accompagne les enfants dans cette voie, de manière interactive en demandant à l'ensemble du groupe de reformuler un propos peu clair, ou une idée pas totalement aboutie. Etre libre et fort dans sa pensée contribue à la construction critique." "Carapaces" au Château Palmer, jusqu'au 22 mai / Rens : 05 56 86 38 43