Ginette Kolinka : témoignage contre l'oubli

« Vous, où est votre carte d’identité ! » C’est la première question que Ginette a posé à un lycéen. Une entrée en matière pour expliquer le « marquage » humiliant orchestré par Hitler sur les Juifs. « Il nous obligeait à épingler sur nos vêtements une étoile en tissu jaune bordée de noir et sur laquelle était marqué "juif". Le tampon jaune sur les cartes d’identités a commencé par nous handicaper. Mais ce qu'il va nous humilier, ce sera de porter cette étoile jaune sur nos vêtements ».

 

Si vous voulez voir l'intégralité du témoignage de Ginette Kolinka, vous cliquez sur les liens Partie n° 1 et sur celui de la Partie n°2

« Des faux papiers pour quitter la zone occupée »

En 1942, un monsieur est venu à la maison et a dit ceci à mon père : « Je travaille à la Préfecture de Police de Paris et on a posé sur mon bureau un dossier vous concernant. Vous êtes juif et communiste donc faites attention car vous allez être surveillé de très près. ». Puis, il nous conseille de quitter la zone occupée pour la zone libre. Là, mon père était quand même un petit peu inquiet parce que cette information arrivait de la Préfecture de Police.

tatouage

"Je pense que notre famille a été dénoncée non pas parce qu’elle est juive, puisque de nous-mêmes on était aller se faire recenser, mais parce qu'on était des communistes actifs. Il est vrai qu’il y avait beaucoup de passages à la maison de militants communistes. Hitler avait peur d’eux car ils étaient des résistants et aguerris pour faire des sabotages et de la propagande. Cette information allait sceller le destin de notre famille. Notre carte d’identité, avec le tampon juif, ne nous permettait pas de nous déplacer. Nous avons alors cherché de faux papiers et choisi un nom à consonance bien française. C’est grâce à ça que nous avons pu quitter Avignon pour nous installer à Montfavet, à côté d’Avignon. On y a trouvé un appartement grâce à une connaissance de ma soeur ainée."

« Le train n°71, vers la Pologne et Auschwitz-Birkenau »

"13 avril 1944. Il est 6h du matin. On est dans la cour de Drancy et derrière la porte il y avait des autobus qui attendaient. Nous les avons pris pour Drancy. Nous étions gardés par un militaire Allemand et un agent de police française. Arrivés à la première gare j’avais cru que nous étions au Bourget. C’est après que j'ai appris que c'était la gare de Bobigny. Là on est aux mains de l'armée allemande. C’était calme."

TRAIN DEPORTATION

"Le wagon qui attendait était un wagon de marchandises. Je pensais qu’on allait prendre un train de troisième classe (rire). Mais non. Le train n°71 se dirige vers la Pologne et le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Dans notre wagon il y avait un petit peu de paille par terre. Ceux qui avaient des bagages les ont placés puis nous nous sommes installés sur la superficie restante. Il y avait un espèce de seau qui était là et qui gênait. Du coup on l'a mis dans un coin.  Et bien ce seau devait servir pour faire nos besoins. Il y avait une odeur infecte."

J’ai envoyé mon père et mon frère au camp d’extermination sans le savoir 

Après trois jours de voyage dans l’obscurité, la promiscuité, le train s'arrête. Les portes sont déverrouillées. C’était un moment super agréable car il y avait un air froid qui est entré dans le wagon. En quelques secondes même l'odeur a disparu. Mais en un quart de seconde un soldat monte et nous demande de descendre très vite. Les femmes qui habillaient leurs enfants n'ont même pas eu le temps de leur mettre leurs chaussures que le soldat leur dit : «  non, non il faut descendre vite du train".  Ils ont mis à notre disposition des camions et j’ai dit  à mon papa et à Gilbert : « prenez le camion. » Ils m’ont écoutée. Je voulais leur faire un petit bisou avant mais ils étaient déjà partis. J’ignorais que je les avais envoyés vers un camp d’extermination."

pere et cousin de Ginette Kolinka

Des fumées un peu blanchâtres, une odeur un peu spéciale

"Nous étions en rang tous ensemble : femmes, hommes et enfants. Ensuite nous sommes séparés. Les femmes d'un côté avec les enfants, les hommes de l’autre. Il fallait se mettre en groupe de cinq personnes. Et nous voilà partis sur une route à travers les champs. A un moment, on a aperçu des fumées un peu blanchâtres qui dégageaient une odeur un peu spéciale. Je suis restée travailler dans cette usine jusqu'en avril 1945.

Regroupement femmes_hommes

"En avril 45 on s'apprêtait à se rendre à l'usine, mais on nous a mis dans un train qui pour certaines de mes camarades était le train de la mort. Le voyage a duré presque toute une semaine (…) avec son lot de morts tous les jours dans les wagons."