Le Rocher de Palmer programme d'excellents concerts mais pas que... Il anime aussi, via son Forum, un espace de coworking, organise des formations, des ateliers d'accompagnement pour celles et ceux qui veulent créer leur entreprise, en héberge dans sa pépinière, propose des rencontres professionnelles dans des domaines liés à la culture, aux arts et au numérique... Le secteur culturel s’ouvre à l’entrepreneuriat et le Rocher de Palmer s’emploie à en faire bouger les lignes. Avec une attention particulière pour les habitants des quartiers prioritaires de la Rive Droite.
Artiste-entrepreneur, artiste-entreprenant
Initiées par François Friquet, Coordinateur du Forum du Rocher, ces Rencontres professionnelles de l’Entrepreneuriat Culturel et Créatif ont rassemblé une foule de professionnels et de porteurs de projets autour de 3 tables rondes, d'un accélérateur éphémère de projets et d'un foisonnant village animé par 25 partenaires, spécialistes de l'aide à la création d'activités.
Les intervenants des tables rondes ont témoigné et présenté leurs actions en faveur du développement et de la consolidation d'un secteur d'activités en perpétuelle évolution qui galvanise la création artistique, l’innovation, l’emploi et l’attractivité du territoire.
Table ronde 1 : Entreprendre dans les quartiers prioritaires de la ville : quelle place, quel rôle pour le secteur culturel et créatif ?
Patrick Duval : Directeur de Musiques de nuit diffusion (Rocher/Cenon)
« Le Rocher de Palmer entend jouer un rôle et avoir un impact réel sur les habitants du quartier. Contribuer à faire évoluer le secteur culturel et les mentalités. C’est presque sa raison d’être en plus que d’être lieu de diffusion culturelle. Recréer du dialogue, de l’envie de faire, d’entreprendre, recoller les pots cassés, fabriquer de la cohésion.
Le moteur est l’échange, l’accompagnement à, la transmission des savoirs. Aider à connecter les gens entre eux, à se faire un réseau ici et ailleurs. Mettre un pied dans l’entrepreneuriat et permettre à des jeunes et moins jeunes habitant.e.s des quartiers prioritaires de la politique de la ville d’être les entrepreneurs de l’avenir. Pour mettre fin au déterminisme social et à la stigmatisation car il y a tant de potentiel individuel et citoyen dans les quartiers. «Les concerts sont des moyens et des outils pour développer des choses tout autour... Le Rocher de Palmer est dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Le lieu a bénéficié de moyens importants. Il est très équipé techniquement. On a eu l’idée de développer des formations avec nos outils, dans l’espace coworking. Puis de créer la pépinière car certains ont demandé un accompagnement. Au coworking, on a 62 inscrits en roulement car l’espace est petit. Sur les 62 accueillis, 20% viennent des quartiers Rive Droite. Notre équipe de médiation travaille à faire savoir que nous pouvons accueillir pour travailler ici des personnes des quartiers prioritaires de la rive droite… Un lieu culturel n’est pas qu’un lieu de diffusion culturelle avec des concerts. C’est ouvert au quartier. Toute démarche d’entreprise culturelle doit s’inscrire dans une démarche de droits culturels, le droit pour chacun à pouvoir développer son projet, avec son histoire. Nous avons un rôle à jouer. Ce n’est pas facile, il faut aller chercher les gens, c’est beaucoup d’énergie. Il ne faut laisser personne d’ici sur le carreau en faisant croire qu’au fond ce n’est pas fait pour elle.
Travailler ces questions de diversité culturelle, de droits culturels est urgent, très important. Toutes les cultures ici doivent exister en terme de diffusion mais aussi toutes les représentations culturelles également, qui font la diversité de notre pays. Nous devons passer de la culture pour tous à la culture de tous mais œuvrer en plus à l’entrée dans l’entrepreneuriat. Ici, on n’en sort pas de ces quartiers, on est stigmatisé.e.S pour l’emploi, les stages, la culture. Stop ! Avec de petites initiatives comme le coworking, les personnes sont obligées de se rencontrer, on désenclave donc pour casser ces logiques de ghetto. Le rôle d’un équipement comme le nôtre est de générer des changements chez les partenaires. Oui, un établissement culturel peut aider à l’insertion dans l’emploi. L’insertion par l’emploi. L’espace coworking a vite marché. Les partenaires ont vite été informés. Ebène Hamès fait des permanences ici, dans un lieu a priori pas fait pour ça. Nous devons être ici perméables à ces questions d’entrepreneuriat. Le projet « Forum » du Rocher va évoluer, en étant mené en plus dans d’autres quartiers prioritaires de Nouvelle Aquitaine. On a un rôle à jouer, partant du constat que certains jeunes restent hors de tous les radars de Pôle Emploi, des missions locales, ne travaillent pas ou alors au black, zonent. Veut-on les laisse dériver ou essaie t-on de les raccrocher? Nous tentons de relever le défi par des moyens originaux avec les partenaires du secteur de l’emploi et le secteur culturel (scènes de musique actuelles de Pau, Mont-de-Marsan, Villeneuve-sur-Lot).
La clé c’est de passer par leur dénominateur commun. Ils écoutent tous de la musique et en particulier du rap. Le rap, c’est plein de techniques. Donc, à travers leur musique, on veut essayer de leur faire intégrer des formations grâce auxquelles ils (re)trouveront un chemin vers l’emploi, sans leur faire miroiter qu’ils seront de futurs producteurs de hip hop hyper connus, c’est pas le but. »
Ébène Hamès, Responsable du social LAB GPV Rive Droite :
« Qu’on soit des quartiers ou pas, l’important c’est de faire tomber les murs, de développer son réseau. »
Table Ronde 2 : Quel accompagnement de l’entrepreneuriat culturel et créatif aujourd’hui ?
Sébastien Paule, Responsable de l’innovation, Smart (Bruxelles, Belgique)
« Smart est une coopérative de travailleurs. Smart vous prête sa structure juridique et des outils pour facturer, faire des devis faire tout ce qui est administratif. On considère que l’emploi artistique est un laboratoire de l’évolution du travail en général. Une fois qu’un accompagnateur sait accompagner des artistes dans leur travail et dans leur développement, il peut accompagner toutes sortes de profession : agent de sécurité, masseur, professions para-médicales ! Nous sommes présents dans 9 pays européens.
Il y a 15, 20 ans je sortais d’école, on m’avait appris plein de théories sur l’accompagnement, les business-plans etc. Avec le temps, j’ai beaucoup évolué dans ma manière d’appréhender l’accompagnement des projets, ça va pour les artistes mais aussi pour tous les métiers. Aujourd’hui on accompagne plutôt des expériences entrepreneuriales, des personnes, des postures, on cherche à trouver une adéquation entre le porteur de projet, donc vous, personne physique, votre écosystème (tous les gens qui sont autour de vous qui peuvent vous aider) et cet artefact : votre projet. On regarde ce que vous voulez faire et si tout cela est cohérent. À Smart, quand on accueille des gens, on se concentre aujourd’hui plus sur la personne, ses profondes convictions, son réseau, son écosystème, ses motivations. L’innovation n’est pas que technologique, elle peut être technologique à des fins sociales pour lutter contre de l’exclusion mais il y a aussi une innovation sociétale qui apporte des nouvelles manières de faire. Comment on résout un problème qui existe depuis longtemps en utilisant des manières de faire ou des solutions qui sont nouvelles. Smart en tant qu’acteur culturel, s’intéresse à l’innovation sociale, innovation du « pauvre » qui ne nécessite pas des moyens technologiques importants mais où il y a des choses à faire : changements de modèle . l’innovation sociale serait une manière de répondre à la démocratisation culturelle. En tant qu’acteurs culturels, nous devons être présents dans tous les écosystèmes de l’économie sociale. »
Blick Bassy, chanteur, compositeur, guitariste et percussionniste.
Steven Hearn : Président de Scintillo, Far Culture (Paris)
« L’artiste parce que c’est un artiste a une capacité à regarder le monde, à voir comment il évolue, à en capter les signaux faibles. L’artiste est une personne utile pour nous dire ce qu’est le monde mais pas toujours en capacité de le transformer de manière entrepreneuriale. C’est là qu’intervient l’entrepreneur culturel. Il est l’intermédiaire entre l’artiste entreprenant, la création et l’autre bout de la chaîne : le spectateur… Entre, il y a d’autres intermédiaires : presser un morceau de musique, le faire connaître, l’éditer, le labelliser, le jouer en concert, là sont les entrepreneurs. Dans un monde transformé par une révolution numérique qui a bouleversé la manière de vendre, de montrer, de financer, il existe un besoin fort d’accompagner ces entrepreneurs dans cette mutation avec ces nouveaux outils. » 6 projets portés par des habitant.e.s des quartiers alentours avaient été sélectionnés pour bénéficier un coup d’accélérateur éphémère : une journée chrono avec des professionnelles de l’accompagnement Rive droite et Nouvelle-Aquitaine du Social LAB et d’Atis.
Interviews d’une habitante de Cenon et de 6 jeunes de Lormont
Le projet Féérie Élégance, association créée par Houyame Booss, habitante de Cenon.
« Je fais des ateliers culinaires. J’essaie de favoriser les personnes en situation de handicap et la mixité sociale. Je veux créer des groupes avec des personnes en situation de handicap et des personnes dépendantes en situation d’exclusion et d’autres. Je viens de déposer mon dossier à la maison des associations de Cenon. J’ai une adhérente handicapée moteur qui a obtenu un rendez-vous à la Mairie de Cenon. Elle a voulu que je vienne pour y présenter le projet. J’espère obtenir un jour des créneaux dans une salle, pour y faire cette activité-là et que ce projet mûrisse. L’accélérateur me sert à régler un certain nombre de mes problématiques : trouver des subventions, écrire mon projet de A à Z pour clairement avancer. Le modèle économique ? Je n’y avais pas du tout pensé… l’association a été créée par hasard… Je vais souvent au Centre social La Colline, je côtoie des gens du quartier. Ce sont eux qui m’ont alertée et demandé de faire des choses concernant des mamans du quartier, des personnes handicapées car j’en côtoie beaucoup. L’association me permet de combiner les 2. Je sais que je vais y arriver car je suis motivée, bien entourée au Rocher… beaucoup de gens me soutiennent dont « Ombre et lumière » (boxe , insertion, handicap)
6 jeunes de Lormont autour d’un projet de web TV. Hyacine Hassen , leur porte-parole.
« On est 6 jeunes, tous copains. On a un projet commun de créer une web TV, pour divertir, avec comme base le jeu vidéo. À travers cette web TV, on va proposer aussi d’autres choses, qu’on développera au fur et à mesure de l’agrandissement de la communauté. Dont du contenu avec un certain message derrière pour informer, divertir, dénoncer aussi mais dans la bonne humeur et la bonne ambiance. La forme juridique de notre projet est encore à débattre. On espère se mettre chacun de notre côté en auto-entrepreneur (on est complémentaires, certains sont branchés mangas) et avoir chacun son réseau, sa propre communauté, puis devenir associés et joindre nos forces et donc devenir une grosse communauté, en démarrant notre web TV. Je remercie le centre social de Lormont, l’AJHAG et le Social Lab, car, sans eux, on n’aurait pas connu l’existence de cet accélérateur. C’est toujours bien d’avoir un petit coup de boost, de motivation, un regard extérieur sur notre projet, plus mâture. .. »
Forum du Rocher de Palmer :
francois.friquet@lerocherdepalmer.fr // forum@lerocherdepalmer.fr
RECC #1: avec le soutien de l’Iddac - agence culturelle du département de la Gironde et L'A. - agence culturelle de la région Nouvelle-Aquitaine
Avec Le Laba, Atis, Le Social Lab, Anabase, Hauts-de- Garonne-Développement, Coop-Alpha, Smart...