Artisan artiste, Franck Tressens confie :
« Le goût pour la création et la réalisation me viennent de l’enfance. A la maison, je n’avais pas de jouets, mais une immense bibliothèque à disposition pour cultiver mon imaginaire, un vieil établi en bois et quelques outils rudimentaires... Au fond, l’ennui et l’imaginaire m’ont construit. Je me suis aperçu qu’avec un peu d’adresse et d’imagination, un petit bout de bois pouvait se transformer en voiture ou en avion... A partir de là, j’ai gardé à l’esprit : « ce que je ne peux pas avoir, je vais le faire moi même. » Ma chance est d’avoir découvert cette acuité, ce don, très jeune. Et aujourd’hui j’en vis ! C’est un immense privilège que m’a accordé la vie. »
Une passion pour le beau soulier
Adulte, Franck Tressens ne se tourne pas vers l’artisanat, mais l’immobilier. Un domaine qu’il délaisse au tournant de ses 30 ans. « Ma femme avait réussi un concours pour intégrer une école bordelaise. Nous avons quitté Toulouse, et j’ai profité de mes indemnités chômages pour concrétiser un projet très personnel… » Car Franck Tressens a une passion dévorante pour le beau soulier. « Ne trouvant rien sur le marché, je créais des petits coffrets pour les ranger, les entretenir, les mettre en scène. Mes amis m’ont encouragé à me lancer dans la commercialisation. Durant un an, j’ai prospecté, fait une étude de marché, conçu une centaine de prototypes, avant de me jeter à l’eau ! Je suis arrivé avec une proposition vraiment novatrice, mais je prêchais dans le désert. Les professionnels de la chaussure me rétorquant : « C’est bien ce que vous faites, mais ça ne marchera jamais. Vous allez être l’accessoire de l’accessoire… » Les malles de voyage en revanche, avec leurs aspects fonctionnels et décoratifs, avaient un réel potentiel commercial. Seulement, pour leur conception, il me fallait plus d’espace qu’à mon domicile... »
Un ambassadeur pour Cenon et la Rive Droite
C’est par petite annonce que Franck Tressens apprend le lancement par Domofrance de l’Hôtel des entreprises de Cenon. « A l’époque la Rive Droite avait une réputation épouvantable », témoigne notre intrépide malletier. « On me disait : « c’est une ville qui n’est pas en rapport avec ta clientèle, tu vas te faire voler, agressé... » Moi j’étais dans ma passion, je laissais dire, on verrait bien… Ca fait 18 ans que je suis là, et ça s’est toujours bien passé ! L’hôtel des entreprises est très bien situé. On peut stationner sans problème. Les camions peuvent venir prendre ou livrer de la marchandise. On est desservi par le tramway. L’environnement urbain c’est grandement amélioré depuis. J’y suis bien et je le revendique ! » Au point de devenir ambassadeur Rive Droite de l’artisanat pour la Chambre des métiers. « Je suis un relai : j’explique les services que propose la Chambre des métiers, et du terrain, fais remonter les infos et les besoins. »
Un petit coup de main du destin nommé Rolls-Royce
A ce stade, l’histoire semble belle et idyllique. Ephtée a pourtant connu bien des rebondissements, des hauts comme des bas... « En 2011, faute de commandes, j’ai failli déposer le bilan. J’avais les huissiers, le RSI, l’URSSAF sur le dos... Bizarrement, je conservais la confiance de ma banque qui m’a aidé à tenir. Et alors que nous étions au plus mal, j’ai miraculeusement reçu un appel de la maison Rolls –Royce, qui pour le salon de l’auto de Bruxelles, nous commandait un panier de pique-nique venant égayer le coffre de son nouveau modèle de voiture… Ca nous a sauvés. L’ironie de l’histoire, c’est que quelques jours plus tard, j’apprenais qu’après régulation, c’était l’URSSAF qui finalement nous devait de l’argent… »
Volcie Descudet, une précieuse collaboratrice
« Autodidacte, j’ai commencé seul dans mon coin. Dix ans plus tard j’effectuais ma première embauche. Nous nous sommes retrouvés jusqu’à sept personnes dans l’atelier. Avant de me rendre compte que cette configuration ne me satisfaisait pas. Je passais plus de temps à gérer l’administratif, qu’à produire et réaliser. Aujourd’hui nous ne fonctionnons plus qu’à deux, avec Volcie Descudet, ma collaboratrice depuis onze ans. Je me réserve les parties ébénisterie et préparation des structures. Volcie intervient lors de l’habillage, sur la maroquinerie et la couture. Ensemble, nous fonctionnons bien ! » Tout au long de l’année, le duo accueille des stagiaires en maroquinerie, ébénisterie, communication, qu’il associe pleinement aux projets de l’entreprise, des collections consacrées à la chaussure, au voyage, l’horlogerie, le vin...
Ephtée : entreprise du patrimoine vivant
« Nous ne sommes pas en concurrence avec une maison comme Louis Vuitton. Nous faisons un métier qui en apparence se ressemble, mais nous ne l’exerçons pas de la même manière. Nous vendons du sur-mesure, de l’artisanat français, répondant à une demande précise, venue d’un client précis. Sur notre créneau (pas plus de cinq créateurs indépendants en France, une cinquantaine à travers le monde), nous sommes les seuls à bénéficier du label EPV (entreprise du patrimoine vivant). Nous nous ravitaillons auprès de fournisseurs locaux. Pour le cuir, nous sollicitions l'entreprise Decourt à Javerlac (Dordogne), les bois proviennent de la "Générale des Bois" (Bordeaux), et les ferrures sont fabriquées en région parisienne. A chaque vente, c’est un petit bout de patrimoine qui arrive chez le client. » Ainsi qu’un petit bout de F - T, initiales de Franck Tressens, qui met son cœur, son âme, sa sensibilité dans chacune de ses créations.