Ne vois-tu rien venir ? À cette question lancinante du Barbe-Bleue des contes de Perrault, Emmanuelle Grizot apporte sa clé dans une chorégraphie subtile et engagée, présentée le 14 janvier dernier au Mois de la danse. Rencontre avec l’ancienne danseuse étoile de l’Opéra de Bordeaux. Au Rocher, juste avant le spectacle.  

Toujours fidèle au Mois de la danse à Cenon !

Emmanuelle Grizot : « À Cenon, un lien de fidélité s’est noué avec Mme Cazou qui m’a invitée quasiment chaque année. Au début, j’ai commencé comme danseuse interprète venant faire un pas de deux. Après, je suis venue faire les stages avec Sébastien Bertaud et j’ai présenté des extraits comme chorégraphe invitée. Là, je présente un spectacle en entier pour ces 30èmes rencontres. C’est un beau prolongement. Je remercie la Ville de Cenon et l’équipe du Rocher de Palmer.  La 650, c’est une très belle salle, très fonctionnelle. Ce soir, il y aura un public familial et des scolaires aussi… pas que des CM1-CM2, des lycéens aussi qui font l’école du spectateur. J’interviendrai plus tard dans leurs classes. Ce qui est bien, c’est qu’il y a un suivi sur le territoire et la possibilité pour moi d’intervenir avant ou après, c’est important ! »

 Barbe-bleue, pourquoi ?

« Plusieurs thèmes me tenaient à cœur dont la transgression. Je mets en scène la dernière épouse de Barbe-Bleue qui transgresse l’interdit ; cela amène au thème de l’émancipation. Elle veut voir ce qu’il y a derrière la porte, elle veut s’ouvrir au monde et ne pas rester confinée dans un statut marital. C’est un spectacle familial et jeune public. Les gens qui viennent le voir le prennent à tous les niveaux. Il y a de l’humour aussi ! »    

Barbe-Bleue est tout de même cet ogre qui égorge les femmes qu’il épouse !

« Dans le conte de Perrault, Barbe-Bleue est tué par les deux frères. Ici, j’en fais une relecture. Je voulais qu’il soit considéré comme un personnage très sombre mais qu’on lui donne ses chances. À la fin, clin d’œil à la psychanalyse, je fais revenir les 2 frères en blouse blanche comme des infirmiers d’hôpital psychiatrique. Il n’est pas tué mais envoyé dans un hôpital pour se faire soigner. Une pirouette ! Barbe-Bleue est d’abord conscient de ses dérives, il a accès à sa culpabilité, est pétri de remords, renvoyé à une solitude sans fin. Je voulais que le public voie cela ! »          

Comment avez-vous procédé dans l’élaboration de ce spectacle ?

« J’ai construit mon histoire avec ce que je voulais dire sur l’émancipation, puis j’ai cherché des musiques avec des ambiances. Il ya une trame et après, tous les objets sur scène, la scénographie, tout concourt à raconter l’histoire, y compris les images vidéo de Nathalie de Geoffray de Calbiac. Elles sont importantes dans la scénographie. Après mes adieux à l’Opéra en 2011, j’ai fait un master de mise en scène scénographie à la fac de Bordeaux, dans l’idée de nourrir mes chorégraphies. Le chorégraphe est aussi metteur en scène ; il ne fait pas ses pas gratuitement dans l’espace. Il construit et tout concourt : les lumières, les décors, les costumes. Tout est concomitant, en co-construction même. »  

 

Quelles sont vos relations avec vos interprètes ?

« Je travaille souvent avec des interprètes que je connais : mes ex- collègues de l’Opéra souvent. Le danseur de hip hop, je l’ai rencontré dans un concours chorégraphique organisé par Hamid Ben Mahi, il y a 4 ans. Je me suis rappelée de lui en commençant le travail sur Barbe-Bleue. Il a un univers, une fibre artistique que j’avais envie d’exploiter. Je m’intéresse aux formes néo-classiques et contemporaines de danse, j’essaye d’être ouverte. Tout est enrichissement même quand je travaille avec des amateurs et un public scolaire… »   Emmanuelle Grizot a fait ses adieux à la scène de l’Opéra de Bordeaux en 2011, après 20 ans dans cette maison, mais pas à la danse. Elle crée depuis ses propres chorégraphies pour la Cie Legato, qui répond à des commandes de ballets d’opéras. Elle transmet son art et son expérience aussi lors de master-classes en Europe. Barbe-Bleue a été créé en 2015, au festival Cadences d’Arcachon, produit par l’Opéra de Bordeaux.  Interprètes : Barbe-Bleue : Frédéric Faula/ Elle : Claire Teisseyre, Danseuse soliste à l’Opéra National de Bordeaux/ Sœur Anne : Lucie Peixoto Rodrigues/ La Clé : Claire Briant/ les 2 fêtards : Guillaume Debut, danseur du Corps de Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et Camille Margnoux. Musiques : H.Purcell, Benjamin Britten, Arvo Pärt, Phil Glass.

Stage d'Emmanuelle Grizot Mois de la Danse Cenon 2017

11H-12h 30 ; Débutant / Elémentaire 12H 30-14h :  Moyen / Avancé

16H30- 17H30: Barre à terre 17H 30-19h: Cours de pointes tous niveaux

 http://www.ville-cenon.fr/15-actualites/6037-mois-de-la-danse-2017.html