Cours Victor Hugo : un concentré d’histoires locales, reflets de l’évolution du pays…
le cours Victor Hugo entre le coteau et la voie ferrée

Baptisé cours Victor Hugo en 1893, l’ancien chemin de grande communication n° 110, long de 1600m, se situe à la croisée des chemins du Bas et du Haut Cenon, entre le coteau cenonnais et la voie ferrée. Il donne le top départ aux côtes 4 pavillons, Vieille Cure, Empereur.

Véritable artère au cœur des anciens quartiers du Pichot (aujourd’hui les rues Foch, Joffre, Arago, Brunereau, Damas), de Voisin-Ville (rues Granet, Marguerite, Louise et Louis) ou encore de la cité Foch (entre la rue du 19 mars 1962 et la rue Foch), le cours Victor Hugo fut la portion de ville la plus peuplée durant près d’un siècle : de l’annexion de la Bastide en 1865 jusqu’aux débuts de la ZUP (zone à urbaniser en priorité) dans les années 1960.

Retour sur quelques moments marquants de son évolution...  

Du temps de Voisin-Ville

De l’école Pichot à l’école Maumey

Le cours Victor Hugo abrite l’une des plus anciennes écoles de la ville : l’école Pichot, du nom de son architecte. La propriété Soulié est achetée par la commune en 1892 afin d’y créer une école maternelle, répondant aux lois Jules Ferry (1881 – 1882) prônant le développement « du corps, du cœur et de l’intelligence de l’enfant ». Pour la première rentrée scolaire, les 2 - 6 ans y sont accueilli•e•s par la directrice Mme Haran. Agrandie, l’école devient un groupe scolaire en 1898, afin d’y inclure les élèves d’élémentaire. 

A la fin de la guerre 39-45, le bâtiment prend le nom de Camille Maumey, en hommage à l’un de ses instituteurs, militant communiste engagé pour la paix et contre le fascisme. Il fut au nombre des cinquante otages fusillés le 24 octobre 1941 au camp de Souge, en représailles à l’exécution par les résistants d’un officier allemand.

En 2016, après trois ans de travaux, la « nouvelle » école maternelle est inaugurée. Intégralement recréée par l’architecte Maurizio Cuturi, elle a conservé l’emplacement de l’ancien bâtiment, construit 130 ans plus tôt...

L'école Pichot hierLa maternelle Maumey d'aujourd'hui

Un « formidiable » château…*

Adossé au flanc de la colline du Cypressat se détache le château d’Aurios, dit château du Diable. Cette élégante chartreuse, construite vers 1850, nous offre un corps de logis rectangulaire flanqué de deux pavillons coiffés de chambres mansardées. On y accède par un escalier à double volée. D’une source située à ses pieds s’écoule aujourd’hui un mince filet d’eau.

Jusqu’au premier tiers du XXème siècle, il était entouré de vignes qui produisaient 15 tonneaux de vin rouge « L’an de 1ère côte de Cenon ». En 1874 le vin se vendait sous l’étiquette « Château Rios ». Puis le maire de Cenon en 1903, Hector Voisin Roux, achète le château et l’étiquette devient « Château Voisin-Ville-Voisin Roux propriétaire ».

Pour des raisons inconnues, de 1938 à 1946, le château est abandonné et les vignes périclitent. C’est à cette époque qu’il prend le nom de château du Diable, suite à une légende entretenue par les parents du voisinage. Pour empêcher leurs enfants d’aller jouer dans ce château ouvert aux quatre vents et devenu dangereux, ils leur disaient « Il y a le Diable ».

Après la guerre M. Robasto le transforme en restaurant où se déroulent banquets et mariages. La mairie achète le château en 1950 et l’aménage en maison des jeunes. Par la suite il est rénové en 1968 et en 2006, pour accueillir dans sa grande salle des associations multiculturelles (thés dansants, lotos etc…). Il abrite également les bureaux du Centre d'Information et d'Orientation et de la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie). 

le château d'Auios, dit "du diable"

Un cours endeuillé par la guerre

Le cours Victor Hugo possède de nombreuses traces de la Seconde Guerre Mondiale. Durant l’occupation, l’intendance allemande réquisitionna l’école Camille Maumey afin d’y installer ses cuisines roulantes. Sur le monument aux morts de la place Montesquieu, inauguré le 11 novembre 1923, sont gravés les noms de 83 Cenonnais•e• civil•e•s et militaires ayant perdu la vie durant le conflit.

Parmi les victimes, figure la famille Nunes. Habitant à l’angle de la rue Louise et du cours Victor Hugo, elle fut le 8 décembre 1940, fauchée par un bombardement visant les installations italiennes de la base sous-marine. Les morts de Manuel, 28 ans, son épouse Marie-Thérèse, 24 ans et leurs trois enfants Jean-Jacques, 7 ans, René Lucien, 6 ans et Claude Manuel, 6 mois,  bouleversèrent les habitants du quartier.

Le monument aux morts dans les années 1920

Les anciens de Pichot - Maumey

Pour les protéger des bombardements, les enfants de l’école maternelle sont évacués dans le Lot-et-Garonne. En 2001, le Cenonnaises Jeanine Laugier et Hélène Roland sont à l’initiative de l’association des Anciens élèves de Pichot – Maumey. Un pied dans le présent, l’autre dans le passé. Les anciens racontent aux jeunes générations le Cenon d’hier et les accompagnent dans leurs activités. L’association se met également en quête de retrouver les enfants évacués et les familles d’accueil du Lot-et-Garonne. Se noua alors, une série d’échanges mémorables entre les communes de Cancon, Moulinier, Monbahus et Cenon liées par ces faits historiques. Des retrouvailles qui donnèrent lieu à des repas annuels, emplis d’émotions et de joie !

Photo de classe 1941 - 1942en 2001, 120 personnes assistent au premier repas des retrouvailles

L’ère du train 

La ligne de chemin de fer Paris - Bordeaux est mise en service en 1853 : deux voies uniques empruntées par quatre trains / jour. Le voyage dure alors plus de 13h ! Au gré de l’évolution industrielle, trains de marchandises et de voyageurs se multiplient, le réseau de voies ferrées s’adapte, la ligne Paris - Bordeaux devenant l’une des plus prestigieuses de la SCNF de 1950 à 1970. Ce succès entraine sa saturation : priorité étant donnée aux voyageurs des grandes lignes, les trains de marchandises restent bloqués des heures…

Pour supprimer ce bouchon ferroviaire, sécuriser les infrastructures, et permettre le développement des transports (avec la création de la Ligne à Grande Vitesse reliant Paris à Bordeaux en deux heures), Réseau Ferré de France (RFF) décide de doubler les voies entre la gare Saint Jean et la bifurcation cenonnaise.

Face aux expropriations, aux relogements, aux nuisances de chantier qui s’annoncent, des habitant•e•s du quartier créent l’association SOS Nuisances 4 voies ferrées, le 25 mars 2003. 15 ans d’investissement, tous et toutes uni•e•s dans un combat soutenu par la municipalité, qui débouchera sur l’obtention de compromis face au géant RFF. A sa dissolution, en 2018, l’association offre le reste de ses fonds au groupe scolaire Camille Maumey, en gage de remerciement aux familles engagées dans la lutte.

12 mai 2007 : riverains et élus sont dans la rue !

Coller à son temps, et aux besoins des habitants 

Jusqu’au milieu du XX° siècle, petites maisons à l’allure d’échoppes, jardins et parcelles de vignes dessinent le visage du cours Victor Hugo. Au fil des ans, on y fait son essence à la station service FINA, au n°1. On traverse la rue pour aller boire un verre au Monaco. On va soigner ses maux à la pharmacie Augereau (en face du monument aux morts). 

Puis, vient le temps des grandes infrastructures. La clinique Lafargue (ou Rive Droite) voit naître bon nombre de Cenonnais•e•s de 1962 à 2006. Elle fermera ses portes quatre ans plus tard. En 1964, un centre de rééducation pour infirmes moteurs cérébraux, premier du genre en Gironde, est impulsé par la volonté du maire René Cassagne, soucieux de : « faire tout mon possible pour que les handicapés puissent pleinement participer à la vie sociale et ne soient pas relégués dans la solitude… » Plus loin sur le cours, on trouve la mosquée de Cenon, inaugurée en 2004 et actuellement en travaux d’agrandissement. 

Entrée de la clinique Lafargue - Rive Droite

Dans les années 2010, le cours Victor Hugo se pare de nouvelles résidences : Les contemplations, Clos de la colline, Le coteau, Les allées Stella, prochainement Les acacias et Art nouveau à l’angle Jaurès – Hugo. Concerné par le Programme de Renouvellement Urbain Henri Sellier-Victor Hugo, mobilités douces, espaces publics végétalisés et équipements de proximité y sont annoncés. Des réalisations qui répondent aux besoins actuels des populations vivant en centre urbain, et qui confortent notre attachement pour ce cours, à cheval entre hier, aujourd’hui et demain…  


*paragraphe "Un « formidiable » château…" écrit par le Cenonnais historien de la ville Gilbert Perrez