« Il y a à Meknès des tableaux tous faits qui feraient la fortune et la gloire de vingt générations de peintres » (Eugène Delacroix- 1832). Bien que Cenon et Meknès ne présentent pas de gémellité monozygote et ne sont pas deux villes copies conformes, elles possèdent de nombreux points communs. On est tenté d’établir de subtiles comparaisons. Un essai poético historique par Gilbert Perrez.  
Meknès fut édifiée par le sultan Moulay Ismaïl qui, sans trêve, n’eut de cesse de bâtir, bâtir et rebâtir. Nous pouvons dire, sans reproche, que la municipalité cenonnaise procède un peu de la même façon, pour le bien de ses administrés. Sur la colline de Cenon, au milieu du XIXe siècle, les riches « magnats de la barrique bordelaise » venaient y construire leurs châteaux ; à Meknès au XVIIe, les riches marocains avaient le privilège d’habiter un quartier de la ville entouré d’une muraille dite « la muraille des riches ». Si les vignobles cenonnais ont disparu, ceux de la cité marocaine, déjà exploités par les Romains, fournissent encore des vins d’excellente qualité. Nos cités jumelles ont su maîtriser cet élément indispensable qu’est l’eau. Le sous-sol de Cenon est gorgé d’eau d’où, au début du XXe siècle, jaillissaient une quinzaine de sources. La terre meknassie renferme de grandes réserves, dans des citernes enfouies à 40 mètres de profondeur (Dar el Ma) ou dans des bassins d’accumulation situés dans les jardins de l’Agdal. Cela permet à la ville d’entretenir une horticulture florissante bien que ce soit : « Une terre où les soifs sont fréquentes, un pays où le ciel est sans promesse d’orage » (Les chemins de l’eau- Khireddine Mourad). Une autre similitude entre les deux villes est la place François Mitterrand qui tous les mercredis, jour de marché, ressemble comme deux gouttes d’eau à la place El Hedine. Une foule bigarrée, compacte déambule au milieu des étals des commerçants offrant aux chalands toutes sortes de produits, d’objets, d’articles. En ces lieux bruyants de rencontre, d’échange, on perçoit des conversations en plusieurs langues : français, arabe, espagnol, portugais. Seuls sont absents de Cenon, les traditionnels porteurs d’eau ou marchands d’eau, les guerrab (outre en arabe) avec leurs habits folkloriques rouges couverts de coupelles en cuivre qui agitent leurs clochettes pour attirer les assoiffés... et les touristes. Les deux cités offrent à leurs habitants parcs et jardins où seules les essences différent : bougainvilliers, palmiers, orangers etc. à Meknès et pins parasols, cyprès, buis et zelkovas etc. à Cenon. Si au milieu des fougères du Cypressat pousse une superbe orchidée, les meknassis sont fiers de leur splendide volubilis. Ces jumelles sont pourvues chacune d’un théâtre de plein air à Palmer et au jardin Lahboul. Si dans la forêt du Cypressat gambadent encore quelques descendants de notre légendaire biche, à Meknès, capitale du pur-sang arabe, l’haras national élèvent depuis le VIIe siècle ses magnifiques coursiers. De l’autre côté de l’oued Boufekrane nous avons une très belle vue sur la ville ancienne aux milles lumières tout comme on peut voir des bords de la Garonne la cité cenonnaise. Meknès surnommée le Versailles du Maroc est inscrite depuis 1996 par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial.
Gilbert Perrez (d’une famille ancienne de Meknès et de Boufekrane)