APAFED : 35 ans d’engagement féministe contre les violences sexistes

1980 : L’impulsion des militantes féministes


Jacqueline Boyé:

"Au début des années 80, engagées dans un groupe féministe (groupe femmes Cenon- Bordeaux Rive droite), nous constations l’ampleur des violences conjugales subies par les femmes. Rien n’était fait, à l’époque, pour les protéger. C’était même mal vu de se préoccuper des « femmes battues" !


Marie-Jeanne Mainhagu :

" Une des composantes importantes du mouvement féministe était les groupes femmes. Il s'agissait de groupes non mixtes, ouverts à toutes, dans les usines ou les quartiers. Les réunions étaient non mixtes, mais les manifestations, ou les actions étaient ouvertes à tous. Nous voulions mettre au jour la question des femmes battues, tenter de les aider à dépasser le sentiment de culpabilité et à reconstruire leur vie. A l'époque, le problème des violences conjugales, pourtant très réel, n'était pas aussi populaire qu'aujourd'hui, et aucune structure n'existait pour leur permettre de se "mettre à l'abri" avec leurs enfants."

Jacqueline Boyé :

"Lors d’une manif du 8 mars, nous avons rencontré une étudiante américaine qui portait un projet de création d’un centre d’accueil de femmes victimes de violences sexistes dans une ville du Kentucky ! Son dossier nous a servi de base pour construire notre propre projet. Et en octobre 1983, j’ai saisi le Maire de ma ville, René Bonnac."


Marie-Jeanne Mainhagu :

"Nous avions présenté notre projet à plusieurs mairies, celle de Cenon est la seule qui ait répondu. S'en est suivi une démarche de travail et d'approfondissement avec les partenaires associatifs ou institutionnels. Comme pour beaucoup de droits concernant les femmes, la création de l'APAFED est issue d'un combat…  ".

 

1983 : Habitant•e•s, professionnel•le•s, institutions mobilisé•e•s ensemble


Josiane Rode :

  "En 1983, j’étais conseillère municipale dans l’équipe de René Bonnac  qui transmit le dossier à Jean Peyronnet, son adjoint à l’action sociale qui me le confia. Assistante sociale depuis les années 60, je connaissais bien le problème des violences domestiques."

Une démarche partenariale s’est alors rapidement engagée dès le 24 octobre 1983 :
•    Les habitant•e•s, représenté•e•s par des associations locales (Confédération syndicale des familles avec Eliane Pottier, Sylvette Bonnet, Jeannette Lartigue, Association syndicale des Familles monoparentales avec Annie Dubernard, Groupes Femmes avec Jacqueline Boyé, Marie-Jeanne Mainhagu…)
•    Des professionnel•le•s  comme Marie-José Roque et Marie-Agnès Séon, assistantes sociales du secteur qui menèrent alors une étude sur les besoins et saisirent leur employeur la DDASS». Le Centre social (Daniel Soubabère, Mauricette Thibault), le service d’aide aux victimes de l’association Le Prado (Bernard Capdepuy), le Planning familial (Anne Mercadié)…
•    Des institutions ; La Délégation régionale aux droits des femmes (Paulette Fried, à l’époque), la CAF, le Conseil Général, le CCAS (alors Bureau d’Aide Sociale) de Cenon, le commissariat de Police, l’ANPE…"

 

1984-1985: L’alignement des planètes… de gauche

photos en noir et blanc de l'inauguration du premier foyer de l'APAFED à Cenon en 1985 par Yvette Roudy


Ce collectif a bénéficié d’un alignement des planètes de gauche : la décentralisation en cours (Gaston Deferre) a ouvert des verrous institutionnels et les actions de développement social des quartiers populaires en réhabilitation (Hubert Dubedout) ont apporté des moyens supplémentaires.
1 an plus tard, le 17 octobre 1984, l’association pour l’accueil des femmes en difficulté (APAFED) était créée, présidée par Josiane Rode. Le 15 juillet 1985, les 3 salarié•e•s du foyer de l’APAFED accueillaient les premières femmes hébergées dans un F5 du quartier de la Saraillère. Le 1er lieu d’accueil de la région pour des femmes et leurs enfants !

les lits superposés sommaires du premier foyer de l'APAFED

Josiane Rode :

"Nous aurions voulu créer une présidence collégiale de l'APAFED avec une représentante des groupes femmes, une représentante des associations et une représentante de la mairie... Hélas, ce n'était pas possible ! J'ai donc présidé l'APAFED jusqu'en 2003. Ma collègue, adjointe au maire, Monique Balestibaud et vice présidente du Centre d'information sur les droits des femmes (CIDF), était aussi très engagée dans cette action. "

 Inauguration de l’APAFED par Yvette Roudy, Ministre des droits de la femme /  12 décembre 1985, aux côtés de Josiane Rode, Pierre Garmendia et rené Bonnac


Le 12 décembre 1985, Yvette Roudy, Ministre des droits de la femme inaugurait le foyer de l’APAFED, (accueil 24H/24 et 7 jours/ 7). En  quelques mois, 59 femmes victimes de violences conjugales avaient déjà été reçues dont 25 hébergées avec leurs 54 enfants, lors de séjours de 12 jours, en moyenne...

4 ans plus tard, le 16 novembre 1989, dans le cadre d’une campagne nationale contre les violences conjugales, Michelle André, Ministre des droits des femmes, baptisait du nom de Flora Tristan*, le foyer d’accueil d’urgence de l’APAFED qui devient alors aussi un centre d’écoute.

: inauguration du foyer Flora Tristan par Michelle André, Ministre des droits des femmes, le 16 novembre 1989

Marie-Jeanne Mainhagu :

" Dire que l'APAFED est exactement  le refuge dont nous avions porté le dossier serait faux, parce que nous venions tou·te·s d'horizons différents et les contraintes de l’administration étaient lourdes . Le lieu qui en a résulté a été et est encore un refuge pour de nombreuses femmes par son accueil, l'accompagnement pratiqué et ses capacités d'hébergement. Aujourd'hui, on ne peut pas imaginer un département comme la Gironde sans une telle structure".

: inauguration du foyer Flora Tristan par Michelle André, Ministre des droits des femmes / 16 novembre 1989

Josiane Rode:

"Pour avoir accès aux financements de la DDASS, nous avons dû obtenir le statut de "Centre d'hébergement et de réinsertion sociale" (CHRS). La recherche de financements est incessante pour pérenniser une action pourtant indispensable.

Nous avons vécu des drames. En 1991, notre directrice, Monique Baudier, a été enlevée et séquestrée par un mari violent. En 1992, une femme que nous avions accueillie et hébergée en 1987, a été assassinée par son mari."

 

Hébergement, soutien, réinsertion, culture… pour (re) prendre sa vie en main

Et depuis, la mobilisation n’a pas cessé : au fil des ans, l’association développe ses capacités d’écoute, d’accueil et d’hébergement d’urgence, ouvre des appartement-relais, organise le soutien psychologique des femmes et de leurs enfants, créé un accueil de jours avec la Maison de Simone et la Maison des femmes de Bordeaux, construit, avec le bailleur Aquitanis, un centre d’hébergement et de réinsertion sociale de 47 places, géré et animé aujourd’hui par une équipe de 17 professionnel•le•s.

 

Caroline Chau Présidente de l'APAFED 2019

Caroline Chau, Présidente actuelle de l’APAFED : en ouverture d’une soirée de théâtre-forum, organisée par l’association avec la compagnie Digamé, le 28 novembre 2019, à l’occasion d'une soirée de sensibilisation).

 

"Il s’agit aussi de redonner la parole aux femmes, paroles qu’elles s’interdisent souvent par peur, par honte, par dévalorisation ou par sentiment d’impuissance… Combattre l’oppression des femmes, dont sont aussi victimes les enfants, les aider à reprendre leur vie en main, à (re)trouver leur pouvoir d’agir, telle est la mission des équipes de professionnel·le·s de l'APAFED à qui je rends hommage pour leur engagement."

1997: Colloque à Bordeaux sur le thème ; "Violences en couple".

2001: 1ère Université d'été de la Fédération nationale solidarité femmes (dont l'APAFED est membre), en présence de Nicole Pery, secrétaire d'Etat aux droits des femmes.

2012 : Exposition « Blessures de femmes » par Catherine Cabrol : Des femmes témoignent - en photos et en mots - pour celles qui n’osent pas encore parler et pour rendre hommage à toutes les autres qui y ont laissé la vie.

2012 : Exposition « Blessures de femmes » par Catherine Cabrol au Rocher de Palmer


2013 : One billion rising : La danse pour alerter l’opinion publique sur le sort des femmes partout dans le monde. / Pour rendre visible l’énergie des femmes, leur volonté et celle de leurs proches de vivre debout !

2013 : One billion rising : La danse pour alerter l’opinion publique sur le sort des femmes partout dans le monde.


2019 : Théâtre-Forum avec la compagnie Digamé : « les mots pour le dire et le (re)jouer » Mais à qui profite le crime ?

2019 : Théâtre-Forum avec Digamé : « les mots pour le dire et le (re)jouer » Mais à qui profite le crime ?

 

Trouver des moyens : un combat de dingue !

Jean-Louis Roux Salembien, Directeur de l’APAFED:


"La prise de conscience, l’information progressent mais la violence subie par les femmes ne diminue pas. Et les moyens manquent. Le comité économique social et environnemental (CESE) estime qu’il faudrait 6 fois plus de moyens que ceux alloués aujourd’hui pour lutter contre les violences conjugales

On ne lâche rien ! Les administratrices successives ont toujours relevé le défi et mené ce combat porteur des valeurs féministes ! Nous sommes en permanence mobilisés pour optimiser nos moyens et pour augmenter nos possibilités : nos hébergements sont occupés à 100 % ! Mais nous ne répondons aux besoins d’accompagnement avec hébergement que d’une femme sur sept !!!"

 

 

 

logo bleu APAFED visage de femme bleu

Lieu d’écoute, d’accueil, de solidarité, de mobilisation des femmes et d’émancipation par l’accompagnement vers la réinsertion sociale, l’APAFED et son centre d’accueil et d’hébergement sont accessibles

24H/24 et 7 jours/7 au 05 56 40 93 66.

L'APAFED est membre de la Fédération Nationale Solidarité Femmes qui gère le numéro de téléphone d’urgence 3919

 https://stop-violences-femmes.gouv.fr/

 

 

 

*Flora Tristan (1803-1844) : activiste du féminisme et de la condition ouvrièrePortrait ancien de Flora Tristan


Enfant « naturelle » d'une mère française et d'un père aristocrate péruvien, dont la mort prématurée laissera la famille dans la misère, Flora Tristan est d'abord ouvrière coloriste. Son mariage avec le graveur André Chazal sera une catastrophe. En 1825, elle s'enfuit du domicile conjugal avec ses deux enfants dont Aline, future mère de Gauguin. Elle part en Angleterre comme dame de compagnie. Son mari la poursuit de sa rancune. En 1833, elle s'embarque pour le Pérou. De retour à Paris, elle publie, De la nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères, dans laquelle elle affirme la nécessité d'instruire les femmes, mais aussi la nécessité pour celles-ci de s'unir. Son mari lui enlève sa fille. En 1837, elle obtient enfin la séparation de corps d'avec son mari et publie peu après Les Pérégrinations d'une paria, récit autobiographique. Son mari, qui a tenté de l'abattre à coups de revolver, est condamné à vingt ans de travaux forcés. En 1839, elle publie Les Promenades dans Londres. Puis en 1843, L'Union ouvrière. Cinq ans avant le Manifeste du parti communiste, Flora Tristan y affirme la nécessité de « l'union universelle des ouvriers et ouvrières » : elle est reconnue dès lors comme une personnalité du mouvement socialiste. Alors qu'elle effectuait une tournée de conférences à travers la France, elle meurt brusquement à Bordeaux*, d’une hémorragie cérébrale. Pour Flora Tristan, émancipation des femmes  et  lutte contre l'exploitation de la classe ouvrière sont indissociables.

Morte rue des Bahutiers, Flora Tristan a été inhumée  au cimetière de la Chartreuse